LA CIOTAT:actualité politique,sociale,culturelle et économique de la Ciotat
LES CIOTADENS PARLENT AUX
CIOTADENS
Il est difficile de qualifier le degré de cynisme qui entoure la conférence de la Convention sur la diversité biologique (CBD, Nagoya, Japon 18- 29 oct.). L’avalanche de déclarations, rapports, événements et autres publi-reportages qui a jalonné cette « Année internationale de la biodiversité » augure-t-elle vraiment d’un nouveau cap pour les écosystèmes et les millions d’espèces qui les constituent ? Tous les grands équilibres de la planète sont menacés – stabilité du climat, capacité des océans à absorber le gaz carbonique, des sols à se régénérer etc. On serait en droit d’attendre un sursaut des décideurs politiques et des organismes internationaux. Or il n’en est rien. Ou plutôt si, mais c’est un saut périlleux, qui prépare le transfert de la gestion de la biosphère à la sphère financière.
Science fiction ? Hélas non. La financiarisation des « services écosystèmiques » (sic !) est déjà en marche. Le programme TEEB, The Economics of Ecosystems and Biodiversity (1), a chiffré les services économiques rendus, par hectare et par an, par les prairies, forêts, zones humides, bassins versants, massifs coralliens etc. Les partisans d’une réponse économétrique à la crise écologique ont préparé des bourses, calquées sur la bourse carbone et autres instruments financiers spéculatifs, comme les Futures et les options. The Business of Biobiversity promet des chiffres d’affaires faramineux aux investisseurs « verts »(2). Après un recensement exhaustif de tous les écosystèmes de la terre, leur enregistrement complet par photos satellites, et toutes données disponibles en ligne pour les firmes transnationales, le grand marché va pouvoir prendre son essor. Mais puisqu’on vous dit que c’est pour sauver la planète !
Evidemment, l’approche économétrique présente quelques avantages. Primo, elle permet d’éluder les mesures d’urgence que les constats alarmants sur l’état des écosystèmes imposeraient : mettre progressivement fin à l’agriculture intensive et à la prolifération des OGM par exemple ; contrôler davantage les industries polluantes et la mise sur le marché de nouvelles substances toxiques ; ou encore planifier une décélération massive de la consommation de combustibles fossiles. Or toutes ces solutions, sans exception, ont rencontré l’opposition féroce des géants qui dominent chacun des secteurs – les pétroliers, l’agrochimie, l’agroalimentaire, les biotechnologies ! Le deuxième avantage réside dans le fait que l’économétrie, appliquée à la biosphère toute entière, constitue la promesse d’un nouvel Eldorado dans lequel les firmes transnationales vont pouvoir s’engouffrer.
Agnès Bertrand, co-auteur de « OMC, le pouvoir invisible ». Fayard, 2003.
Françoise Degert, journaliste
Notes :
1- Programme démarré après le G8 de Potsdam sous présidence allemande, en mars 2007, piloté par l’économiste et banquier Pavan Sukhdev
2- Titre d’un symposium international qui s’est tenu à Londres le 13 juillet dernier
3- Source : www.grain.org
4- “UN and Corporations Fact Sheet”: http://www.corpwatch.org/article.php?id=928.
5- Résultats de la conférence de Busan. UNEP/CBD/COP/10/12 28 juillet 2010 ; http:// www.cbd.int/cop10/
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